Alors que l’accès au financement demeure l’un des principaux défis pour les startups EdTech en Afrique, EtriLabs, à travers le programme Mastercard Foundation EdTech Fellowship, a organisé deux panels stratégiques à Cotonou et Dakar. Ces rencontres visaient à instaurer un dialogue direct entre entrepreneurs, investisseurs et experts, pour mieux décrypter les attentes des financeurs et permettre aux porteurs de projets de structurer une approche plus solide.
Dans un contexte africain marqué par une forte demande en solutions éducatives innovantes, l’EdTech s’impose comme un secteur à fort potentiel. Pourtant, les entrepreneurs rencontrent encore de nombreux freins pour accéder au capital nécessaire à leur développement. Entre attentes floues des investisseurs, pression sur les indicateurs de performance et modèles économiques fragiles, il devient urgent de créer des passerelles concrètes entre innovation locale et financement stratégique. C’est précisément ce que visait la série de panels initiée par EtriLabs, en sa qualité de structure de mise en œuvre du Mastercard Foundation EdTech Fellowship au Bénin et au Sénégal en partenariat avec la Fondation Mastercard. Deux temps forts ont marqué cette dynamique : un premier panel à Cotonou et un second à Dakar, tous deux tenus le 30 juin 2025.
À Cotonou, le débat s’est articulé autour du thème : « L’EdTech à l’épreuve des investisseurs : traction, impact et modèle solide ». La rencontre, accueillie dans les locaux d’EtriLabs, a permis d’explorer les grands défis de l’accès au capital dans un environnement francophone encore peu structuré. Aux côtés de Danielle Afoudah, Venture Support Associate à EtriLabs, deux investisseurs de référence, Moboladji Naofal Ali, Partner & Head of Investment à Noru Capital et Ghislain Sodogandji, membre de Benin Business Angel Network, ont partagé sans détour leur vision des étapes clés d’un processus de levée de fonds.

Ce qui ressort des échanges, c’est d’abord la complexité à monétiser les solutions EdTech à grande échelle. Beaucoup de startups peinent à dépasser le stade du pilote ou à structurer un modèle économique aligné sur les usages réels. À cela s’ajoute un manque de projection régionale qui freine l’attractivité des projets auprès des investisseurs. Pour espérer convaincre, il ne suffit pas d’avoir une bonne idée ; il faut être capable de démontrer une stratégie claire, une capacité d’adaptation constante et un impact mesurable. L’enjeu est aussi culturel : savoir dialoguer avec les financeurs, comprendre leurs logiques d’évaluation, anticiper les zones de doute. Autrement dit, faire du financement une stratégie à part entière, et non une simple finalité.
Mais encore faut-il partir du bon problème. Comme l’ont souligné les panelistes, nombre d’entrepreneurs s’acharnent à résoudre des enjeux qui ne sont pas perçus comme tels par leur public cible. Une solution, aussi innovante soit-elle, ne crée pas de marché si elle ne répond à aucune urgence vécue. L’exemple du marché des casques au Bénin illustre bien ce biais : il a fallu une contrainte légale pour que l’usage — et donc la demande, émerge réellement. Cela souligne l’importance cruciale d’une bonne lecture du terrain et d’une connaissance fine des besoins. Les investisseurs, de leur côté, ne cherchent pas uniquement une opportunité. Ils misent sur une équipe, sur une posture, sur une capacité à exécuter. Une bonne stratégie ne suffit pas si le ou la fondatrice ne convainc pas par sa vision, sa rigueur et sa capacité à porter l’ambition sur la durée. “On n’a pas peur de la stratégie, mais du stratège”, a rappelé l’un des intervenants. Le facteur humain reste donc décisif dans l’équation du financement.
À Dakar, la réflexion s’est poursuivie avec un panel élargi, centré sur les notions de maturité, de modèle et d’impact. Modéré par Amayel Talla, EdTech Program Lead à EtriLabs, ce second rendez-vous a réuni Mohamed Thiam, CTO de la startup Socium, Papa O. Syr Diagne Managing Partner à MACAPI, et Rasmey Chhun, Investment Manager d’Investisseurs & Partenaires. Là encore, les échanges ont mis en lumière l’importance d’une rigueur exemplaire dans les données, d’une clarté sans faille dans le modèle économique, et d’une cohérence entre ambitions affichées et exécution sur le terrain.
L’intervention de Mohamed Thiam, fort de l’expérience de deux levées de fonds réussies avec Socium, a offert une perspective précieuse sur l’après-investissement. Structuration interne, gestion de la croissance, résilience face à l’incertitude : autant de dimensions souvent sous-estimées dans l’enthousiasme des premières levées. Le public, composé de jeunes entrepreneurs, s’est montré particulièrement actif, posant des questions franches sur la crédibilité des projets en phase d’amorçage, la valorisation sans traction, ou encore la difficile articulation entre impact social et viabilité économique.

À travers ces initiatives, EtriLabs confirme son rôle de catalyseur au sein de l’écosystème EdTech en Afrique francophone. En créant des espaces d’échange entre financeurs et innovateurs, le programme Mastercard Foundation EdTech Fellowship dépasse l’accompagnement classique pour devenir un levier de transformation systémique. Car il ne s’agit plus seulement de former des entrepreneurs, mais de leur permettre d’évoluer dans un écosystème plus lisible, plus connecté, mieux préparé aux exigences du financement.
Ces panels ne marquent qu’un début. D’autres rencontres sont prévues dans les mois à venir, avec la même ambition : renforcer les capacités stratégiques des startups EdTech, accélérer leur développement et ancrer durablement l’innovation éducative dans les dynamiques de croissance du continent.